Les patients
dyslipidémiques sont définis par une augmentation des taux (1)
sériques du cholestérol et/ou des triglycérides. Ils ont de ce fait, le plus
souvent, un risque accru de développer une athérosclérose dont les
complications cliniques posent de graves problèmes de santé, en particulier
lorsque sa localisation est coronaire.
La prévention de la
maladie coronaire (communément appelée prévention cardio-vasculaire)
constitue, aujourd'hui, la justification essentielle de la prise en charge
thérapeutique du patient dyslipidémique.
▶
Prévention de la maladie coronaire
▶
Schéma de prise en charge des dyslipidémies
▶
Recommandations complémentaires
▶
Traitements |
Prévention de la maladie coronaire
La maladie coronaire est
une affection multifactorielle qui évolue le plus souvent pendant de
longues années avant de devenir patente cliniquement.
Dans la plupart des cas, la
prise en charge thérapeutique des dyslipidémies n'est qu’une composante
d'une stratégie globale de prévention individuelle de la maladie dont
le but est de retarder l'apparition (prévention primaire) ou la récidive
(prévention secondaire) des complications cliniques (grade A).
Cette stratégie vise à
modifier les facteurs de risque présentés par l'individu, tout au moins ceux
susceptibles de modification et entraîne un bénéfice de santé. Elle suppose
bien entendu leur identification.
Les facteurs de risque
indiscutables de la maladie coronaire sont l'âge, le sexe masculin, la
ménopause précoce, les antécédents personnels ou familiaux de manifestations
cliniques en rapport avec l'athérosclérose quel qu'en soit le siège et
quatre facteurs sur lesquels des efforts particuliers de prévention sont
possibles : le tabagisme (grade B), l’hypertension artérielle
(grade A), le diabète sucré (grade B) et les hypercholestérolémies
(grade A).
L’objectif de prévention
ainsi présenté a des conséquences importantes. Ce n'est pas sur la mesure
d'un taux lipidique que se décide une stratégie de prévention coronaire. La
prise en charge d'un sujet atteint de dyslipidémie ne peut être que globale.
La prévention la plus efficace résulte de la correction simultanée des
facteurs de risque présentés par le sujet et non pas seulement de sa
dyslipidémie. Dans ce contexte, la décision d'un traitement médicamenteux à
visée hypocholestérolémiante doit être rigoureusement pesée car, dans la
majorité des cas, il s'agit d'un traitement permanent devant être pris
durant de nombreuses années.
Schéma de prise en charge
des
dyslipidémies
La responsabilité de
l'élévation des taux sanguins du cholestérol total, essentiellement du
LDL-cholestérol, et de la baisse du HDL-cholestérol dans l'évolution de la
maladie coronaire est largement démontrée.
L’abaissement du taux
sérique de LDL-cholestérol
est aujourd'hui considéré comme le meilleur indicateur d'efficacité de la
prévention et c'est à partir de ce paramètre relativement simple à obtenir (2)
qu'il a été décidé de définir les recommandations de prise en charge (grade
A). Néanmoins, la prise en compte d'autres paramètres lipidiques comme le
taux du HDL-cholestérol et celui des triglycérides est nécessaire et des
résultats d'essais de prévention en cours pourraient à l'avenir modifier (et
vraisemblablement rendre plus complexe) le schéma actuellement proposé.
Enfin, en prévention primaire, ces recommandations de grade A ne valent que
pour des patients de moins de 70 ans.
La prise en charge des
dyslipidémies consiste d’abord à prescrire une thérapeutique diététique
adaptée. La thérapeutique médicamenteuse visant à obtenir une
diminution supplémentaire du LDL-cholestérol est instituée en fonction de
l’appréciation du risque coronarien global du sujet et selon les seuils
définis dans le tableau 2.
Il a été en effet montré à
de nombreuses reprises qu'un abaissement donné du taux de LDL-cholestérol
conduisait à une réduction proportionnelle du risque, c'est à dire à un
effet protecteur sur l'individu d'autant plus grand que le risque était
élevé. On conçoit dans ce cas qu'il soit plus efficace de traiter - toutes
choses égales par ailleurs - des sujets à haut risque (et en particulier
ceux déja porteurs d'une coronaropathie) que des sujets à faible risque (3).
L'application des
recommandations nécessite donc une estimation préalable du niveau du risque
coronaire de l'individu. Il apparaît aujourd'hui au groupe de travail qu'une
simple addition du nombre des facteurs de risque présents chez
l'individu est adaptée à la pratique quotidienne. Les seuils
d’intervention proposés ont été fixés consensuellement (avis d'experts
et prise en compte des recommandations internationales existantes) et ne
résultent pas d'analyses coûts-bénéfices formelles. En pratique, compte-tenu
de la variabilité des paramètres lipidiques, le franchissement du seuil doit
être observé lors d’au moins deux prélèvements successifs avant toute
mise en oeuvre de décision thérapeutique. Lorsque l’on traite une
dyslipidémie, l’objectif est d’abaisser le LDL-cholestérol au-dessous des
valeurs seuils d’interventions thérapeutiques (accord professionnel).
Il convient d'insister sur
la nécessité dune prise en charge globale des facteurs de risque du
patient dyslipidémique. Dans la négociation thérapeutique, il revient au
praticien, d’apprécier non seulement la présence de chacun des facteurs de
risque, mais aussi d"en apprécier leur importance et leur ancienneté.
L'identification chez le
patient d’antécédents personnels de maladie coronaire est un élément
important de la décision thérapeutique. Elle permet de distinguer si la
prise en charge thérapeutique de l’hyperlipidémie se situe dans le cadre de
la prévention coronaire primaire ou secondaire.
En présence d’autres
manifestations cliniques de l’athérosclérose, il est important de chercher
des symptômes cliniques d’atteinte coronaire associée.
Recommandations complémentaires
Elles permettent de compléter et de préciser l'utilisation, en pratique
courante, du schéma de prise en charge thérapeutique défini précédemment.
Chez
les adultes des deux sexes, le traitement diététique doit toujours être
proposé en première intention pendant 3 mois (accord professionnel).
Il doit être poursuivi quelles que soient les autres modalités de traitement
utilisées par la suite.
La thérapeutique médicamenteuse
visant à obtenir une diminution supplémentaire du LDL cholestérol est
instituée en fonction de l’appréciation du risque coronarien global du sujet
et selon les seuils définis dans le tableau page 12 (accord professionnel).
Chez
les sujets âgés de plus de 70 ans, il demeure raisonnable de limiter
les interventions médicamenteuses à la prévention secondaire lorsque
l'espérance de vie n'est pas réduite par une autre pathologie. Il n’est
justifié de prolonger un traitement médicamenteux après l'âge de 70 ans en
prévention primaire que si le sujet a plusieurs facteurs de risque,
si son espérance de vie n'est pas réduite par l'existence d’une autre
pathologie, si l'on a pris en charge les autres facteurs de risque
réversibles et si les prescriptions n'entraînent ni effets indésirables, ni
interactions médicamenteuses.
Il
n'existe pas, à l'heure actuelle, d'étude spécifique justifiant chez un
patient dyslipidémique âgé de plus de 70 ans, tant l'instauration que la
non-instauration d'un traitement médicamenteux en prévention primaire.
Les
hyperlipidémies secondaires (hypothyroïdie, syndrome néphrotique,
insuffisance rénale, cholestase...) ou iatrogènes (corticoïdes,
contraception oestro-progestative, diurétiques, rétinoïdes, bêta-bloquants,
antirétroviraux...) ne doivent pas donner lieu à des prescriptions
d'hypolipidémiants sans traiter la maladie causale ou arrêter le traitement
responsable, dans la mesure du possible.
Les
hypertriglycéridémies représentent, aves les hypercholestérolémies
pures ou mixtes, un type fréquent de dyslipidémie. L'élévation du taux
sanguin des triglycérides nécessite avant tout un traitement diététique
spécifique pour des valeurs comprises entre 2 et 4 g/l (2,25 et 4,5 mmol/L).
Cependant, au-delà de 4 g/l (4,5 mmol/L), si ces mesures ne permettent pas
d'obtenir l'abaissement du taux des triglycérides, le recours à la
prescription médicamenteuse peut être justifié dans le but de limiter le
risque de pancréatite aiguë [particulièrement à craindre à partir d’un taux
de 10 g/l (11,25 mmol/L)], bien qu'aucune étude spécifique n'en ait apporté
la preuve.
D’autre part, aucune étude d’intervention n’a montré que la baisse des
triglycérides entraînait une diminution significative de la morbidité
cardiovasculaire. Ce phénomène est seulement suggéré par certaines études.
L’hypo-HDL-émie
est un facteur de risque coronaire le plus souvent associé à une
hypertriglycéridémie, un diabète sucré ou une obésité. Elle justifie et
nécessite la correction de l’hypertriglycéridémie, l’équilibre du diabète,
la correction de la surcharge pondérale. C’est tout particulièrement dans ce
contexte que les thérapeutiques diététiques et la reprise d’une activité
physique ont montré leur efficacité.
Traitements
Le
traitement diététique bien conduit peut permettre d'éviter
l’instauration d'un traitement médicamenteux dans de nombreux cas. Il doit
pour cela être instauré avec une motivation suffisante du
prescripteur et du patient. Les modifications du régime alimentaire ont pour
but essentiellement la diminution de la consommation des graisses d'origine
animale, (acides gras saturés), et la correction pondérale si nécessaire.
Elles doivent être présentées sous forme positive. Le traitement
diététique des dyslipidémies doit être accompagné le plus souvent possible
de conseils visant à corriger une sédentarité excessive : la pratique d’une
heure de marche par jour permet, par exemple, de répondre à cet objectif.
Lorsqu'un traitement médicamenteux est nécessaire, selon le libellé
des AMM , trois classes de médicaments sont indiquées dans le traitement de
différentes dyslipidémies :
statines
hypercholestérolémies
pures ou mixtes
fibrates
hypercholestérolémies
pures et hypertriglycéridémies endogènes, isolées ou associées
colestyramine
hypercholestérolémie
essentielle.
Certains hypolipidémiants ont montré un bénéfice sur la morbidité coronaire
en prévention primaire (gemfibrozil, colestyramine et pravastatine) ou
secondaire (gemfibrozil et pravastatine) (grade A). Mais seuls deux
principes actifs au sein de la classe des statines ont montré une réduction
significative de la mortalité totale, en prévention primaire (pravastatine)
ou secondaire (pravastatine et simvastatine) (grade A).
Dans
l’attente de résultats d’études cliniques en cours, il est recommandé de
prescrire des traitements ayant démontré leur efficacité sur des preuves
cliniques (prévention de la survenue d'événements cliniques
cardiovasculaires), par rapport à ceux n’ayant démontré d’efficacité que sur
des critères biologiques.
Une
fois instauré, le traitement médicamenteux, comme le traitement diététique,
doit être poursuivi au long cours, tout en faisant l'objet de réévaluations
périodiques.
Rappelons que la grossesse constitue une non-indication à la prescription
des statines et des fibrates. La prescription d'un hypolipidémiant lors de
la grossesse relève d'un avis spécialisé.
Les
hypolipidémiants, surtout à fortes posologies, exposent à des effets
indésirables : digestifs pour la colestyramine, hépatiques et
musculaires pour les fibrates et les statines. Il convient par ailleurs
d'être vigilant sur le risque d'interactions médicamenteuses dans le cas de
prescription d'associations telles que fibrates + statines, fibrates +
antivitamines K, ou colestyramine + autre médicament. L'association de
plusieurs hypolipidémiants appartenant à la même classe pharmacologique est
illogique, et parfois dangereuse.
(1)
taux : dans ce document le terme de taux sérique signifie concentration
sérique.
(2)
Les dosages lipidiques nécessaires pour l'estimation correcte du
LDL-cholestérol pour la plupart des individus dyslipidémiques sont le dosage
sanguin du cholestérol total, du HDL-cholestérol et TG. On utilise la
formule de Friedewald, applicable pour une triglycéridémie inférieure à 4g/l
: LDL-cholestérol (g/l)= CT(g/l) - [HDL-C(g/l) +TG(g/l)/5]
(3)
Une manière plus rigoureuse d'exprimer ce fait est de constater qu'il
convient de traiter beaucoup plus de sujets à bas risque que de sujets à
haut risque pendant par exemple 5 années pour diminuer d'une unité le nombre
d'évènements coronaires observés pendant ces 5 ans.